Cours de Base de Christianisme : le Récit de Gertrud von Le Fort “La dernière à l’échafaud”. Joachim Heimerl.

19 Febbraio 2025 Pubblicato da

Marco Tosatti

Chers Stilum Curiali, le père Joachim Heimerl met à votre disposition ces réflexions sur un très beau livre de Gertrud von Le Fort. Merci de tout coeur a Louis Lurton pour la traduction. Bonne lecture et diffusion. 

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Cours de base de christianisme : le récit de Gertrud von Le Fort « La dernière à l’échafaud ».

Par le P. Joachim Heimerl von Heimthal

Comme tout écrivain, Gertrud von Le Fort (1876-1971) a une étiquette qui lui colle à la peau et c’est peut-être pour cela qu’on la connaît peu aujourd’hui. Pourtant, l’auteur “catholique” se situe artistiquement dans la lignée de grands noms comme Werfel ou Mann ; ses récits sont intemporels et donnent toujours l’impression d’avoir été écrits pour des temps comme celui-ci.

Le Fort écrit de manière clairvoyante, peut-être prophétique, et reflète dans ses textes un présent hors du temps. Elle ne se démode jamais et ne s’épuise jamais ; cela vaut surtout pour sa nouvelle la plus importante : “La dernière à l’échafaud”.

Il y est question du destin, en grande partie authentique, des Carmélites de Compiègne pendant la Révolution française. L’histoire est racontée par un narrateur à la première personne sous forme de lettre ; en octobre 1794, celui-ci raconte à une amie le martyre des sœurs. On se sent ainsi transporté à la fin du XVIIIe siècle jusque dans les ramifications de la langue ; mais surtout, on se rapproche de l’attitude spirituelle des Carmélites.

Lorsque “La dernière à l’échafaud” a été publié en 1931, tout cela était bien loin. C’était l’époque de la crise économique mondiale et du chômage de masse, l’époque qui a ouvert la voie à Hitler. La même année, le roman de Kästner “Fabian” résumait cette ambiance. Dans sa nouvelle, Le Fort pressent en revanche, comme un sismographe, le malheur qui va s’abattre : Comme dans un miroir, elle écrit sur un renversement imminent, sur la fin de l’“ancien régime ”. Elle écrit sur l’arbitraire et la terreur, sur les aspects les plus sombres de la révolution. Mais elle écrit surtout sur le côté diabolique de l’homme, qu’il s’appelle Hitler ou Robespierre. – La nouvelle peut facilement être interprétée dans ce contexte ; le sujet historique devient alors un chiffre de l’époque nazie.

Mais Le Fort ne s’arrête pas là. Elle n’est pas une écrivaine politique et ne s’intéresse pas non plus à la Révolution française. Au lieu de cela, elle s’intéresse à la peur et à sa signification chrétienne ; au fond, elle s’intéresse au christianisme par excellence. On pourrait dire qu’il s’agit pour elle d’un cours poétique de base sur le christianisme, qu’elle développe à partir de l’intrigue générale.

Lorsque la Révolution commence, Blanche de la Force entre au carmel de Compiègne. Mais contrairement à ce qu’elle espérait, les événements ne s’arrêtent pas à la porte des monastères. Les lois du nouveau pouvoir les visent rapidement, la persécution de l’Eglise commence. La violence et la terreur s’installent, surtout par l’intermédiaire des jacobins. Lorsque le roi est décapité, les carmélites prennent une décision : elles offrent leur vie au Christ pour le salut de la France. – Cela semble politique, mais ce n’est pas le cas. Pour les sœurs, l’enjeu est plus grand que la politique : elles donnent leur vie en expiation des atrocités commises pendant la Révolution. En effet, elles sont condamnées peu après lors d’un procès-spectacle ; l’une après l’autre, elles se sacrifient sur l’échafaud. Peu après, Robespierre tombe : le règne de la Terreur est terminé.

Le Fort s’inspire très précisément de ces faits historiques, et déploie sur ce fond son récit, qui tourne autour de l’idée centrale du sacrifice par procuration : “La France ne sera pas sauvée par le zèle de ses hommes politiques, mais par les prières et les sacrifices de ses âmes victimes : voici la grande heure du Carmel ! – C’était le ton sur lequel s’accordaient alors toutes ces femmes silencieuses de Compiègne ; qui se préparaient consciemment au martyre”.

Cela peut paraître étrange aux lecteurs d’aujourd’hui ; qui aime se sacrifier ? Cela ne convient pas aux hommes modernes, déjà en 1931 et encore moins aujourd’hui. De toute façon, presque plus personne ne connaît les notions de “sacrifice” et d’“expiation”.

En revanche, le regard de Fort va plus en profondeur : dans l’attitude de l’âme des Carmélites, il met à jour la base du christianisme, le noyau auquel il a de tout temps été attaché. Ce noyau consiste dans le don total, jusqu’à sa propre vie, à l’exemple du sacrifice du Christ sur la croix.

Sans suivre la croix, il n’y a pas de chrétiens, et sans expiation, il n’y a pas non plus de chrétiens.

Pour beaucoup, cela sonne “mystique” et peut-être même “hermétique”, alors qu’“expiation” peut être simplement comprise comme une “ouverture”, comme volonté de participer personnellement et concrètement au sacrifice du Seigneur.

Ce qui vaut pour tous les chrétiens vaut tout particulièrement pour le Carmel, car qui y entre s’offre soi-même en fin de compte. Il ne s’agit pas d’un égoïsme salvateur pour super-pratiquants, au contraire : il s’agit de rendre les autres participants au salut. C’est la forme la plus élevée de l’amour du prochain ; il s’agit de ce que l’on appelle de manière un peu pathétique le “salut des âmes”. Sans une telle charité, toute autre charité n’a aucun sens, du moins aucun sens chrétien, et c’est de cette attitude fondamentale du christianisme que les sœurs témoignent.

A leur martyre, la nouvelle ajoute un deuxième aspect, plus profond : la faiblesse humaine, la peur. Il s’agit donc en même temps du croyant moyen, et c’est ce que représente Blanche de la Force.

Contrairement à ses consœurs, Blanche n’a pas de force intérieure. Elle ne connaît que la peur. Son nom fier ne le cache pas ; on dit qu’elle devrait plutôt s’appeler “de la Faiblesse”.

Même lorsque Blanche entre au Carmel, elle ne peut échapper à sa peur. Au fond, elle reste toujours la contre-image d’une carmélite, surtout en comparaison avec sa maîtresse des novices, la fascinante Marie de l’Incarnation. Alors que sous l’influence de cette dernière, les sœurs se consacrent au martyre, Blanche trouve son refuge auprès du Christ à Gethsémani : Blanche de la Force devient Sœur Blanche de l’Agonie du Christ”. Elle sent que devant la croix, le Christ a d’abord pris sur lui la peur, non seulement sa propre peur, mais toute peur, la peur de tous les hommes et de tous les temps. C’est pourquoi l’angoisse de mort du Christ a d’innombrables visages, et ces visages sont partout jusqu’à aujourd’hui, par exemple la peur de la guerre et d’un “changement d’époque”, et c’est justement là la peur de Blanche de la Force.

Blanche s’abandonne entièrement à l’agonie de la mort du Christ ; elle est saisie par elle jusque dans les plus fins détails. Cela aussi est héroïque et s’inscrit dans la ligne du Carmel. Mais un jour, Blanche disparaît du couvent. Alors que les sœurs se préparent à leur sacrifice, Blanche est victime de sa peur. Son propre sacrifice est différent : elle fait allégeance à la peur, elle devient une martyre de la peur. Elle montre qu’il existe une heureuse peur qui est unie à la peur de la mort du Christ. Cela aussi peut être une forme d’expiation, qui naît en quelque sorte de l’acceptation de sa propre faiblesse. C’est à partir de ce charisme que la force est donnée à Blanche à la fin : elle lui permet d’unir son sacrifice à celui de ses sœurs. Alors que celles-ci montent sur l’échafaud en chantant le “Veni creator”, Blanche est la dernière à s’unir à elles.

Depuis le lieu de l’exécution, elle rejoint spontanément le chant des sœurs. Avant que la dernière voix ne s’éteigne, Blanche entonne le “Gloria patri” et est ensuite tuée par la foule. Le narrateur raconte : “J’ai entendu clairement la confession de foi en Dieu un et trinitaire – je n’ai pas entendu l’Amen”.  Il écrit qu’en Blanche s’expérimentait “le miracle dans la faiblesse”.

Et dans ce miracle d’alors il y a une “espérance infinie”. Les belles idées des Lumières, les nouveaux idéaux de l’homme dans l’esprit de Rousseau – n’ont plus aucune valeur après la Révolution, car “l’humain seul ne suffit pas, même le bellement humain”. – L’homme n’est justement rien en lui-même s’il ne se laisse pas saisir par Dieu, même si c’est dans sa peur. Voilà tout. Et c’est en cela que consiste le cours de base poétique du christianisme de Le Fort. Il vaut la peine de le redécouvrir.

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